• Et ça tourne, et ça tourne

    ... des pages ! Au lieu de me baigner à Pattaya, je me noie dans les bouquins.

    Il faut dire que Pattaya, ce n'est pas folichon... à moins d'être "dans le game", bien sûr. Ici, pour les hommes (enfin, surtout les Occidentaux), c'est à qui aura le corps le plus musculeux : d'ailleurs les salles de sport et autres boutiques de stéroïdes ont pignon sur rue et semblent s'être multipliées comme des gremlins sous les chutes du Niagara ! Le spectacle ne serait peut-être pas si navrant si le concours du lever de coude et des plus gros bides Kronenbourg (ou Chang, ou Leo...) ne sévissait pas chez les mêmes "athlètes". Du coup, on a des montagnes de muscles noires de soleil bombées par des triplés ou des quadruplés. Pour les femmes, pas de surprise malheureusement : bimbos, cagoles et autres étalages de botox, de retouches grossières probablement faites chez le boucher du coin vu la qualité du rendu.

    Les locaux ne sont pas beaucoup mieux lotis. Pour beaucoup, c'est prostitution et assimilés : les milliers (si, si !) de masseuses proposent leurs services aux passants et n'hésitent pas - j'en suis témoin - à mettre en avant la possibilité d'un happy ending. Les lady boys, dont certains sont devenus des lady grandpas aux traits tirés, au maquillage qui craquelle sous les rides et les poils renaissants en fin de journée, font le tapin en face des "hôtesses" à qui l'on offre quelques verres et de menus cadeaux le temps de son séjour, en échange de leur aspect juvénile et de leur inclination à dire oui à tout... Les vieux blancs engoncés dans leurs mini-slips de bain paradent aux bras de gamines thaïes de 25 ans, leur claquant les fesses libidineusement sur la plage. Autour, les bars affichent des noms sans équivoque, du "Porn Café" au "Pussy Bar".

    Carte de Pattaya... En russe

    Parmi tout ce beau monde évoluent des familles, russes principalement. D'ailleurs, je pense que 75 à 95 % des touristes sont russes (pour faire une fourchette bien large !), au point qu'ici le cyrillique prime sur l'anglais dans les menus, les enseignes, etc. J'avoue avoir trouvé un peu dérangeant de voir les gamin(e)s mêlés à cette glauque parade où le stupre, l'alcool et la vanité ont remplacé la sensualité et la convivialité. Mais bon, je suis un rabat-joie, sans doute.

    Bref : Pattaya, faut pas qu't'ailles là, sauf à considérer que le fric t'autorise à faire de toute une ville ton lupanar en forfait illimité.

    ***

    Au moins, mes lectures auront bien avancé. Le Ramayana est enfin achevé, puis j'ai enchaîné avec la Chanson douce (et triste) de Leïla Slimani dont j'avais récupéré une copie dans une auberge, avant de revenir à ma liseuse pour découvrir Mon Frère Yves de Pierre Loti... Si la première de ces lectures m'a intéressé (c'est l'une des deux grandes épopées indiennes, et elle a profondément marqué toute l'Asie du sud-est dans ses croyances et ses traditions), les deux autres se sont plus clairement adressées à mes sentiments.

    Le Goncourt 2016 est la chronique d'une mort annoncée dès la première phrase : "Le bébé est mort" ; c'est aussi et surtout la peinture par touches et retouches des petits riens qui ont fait la vie de cette femme devenue meurtrière, une vie dont l'exposé ne réussira pas à expliquer vraiment son acte, puisque l'horreur aussi a ses raisons que la raison ignore. Je n'ai pas eu l'impression de rester sur ma faim pour autant : l'intérêt réside plus dans l'intimité qui se crée entre les personnages et, par ricochet, entre eux et nous, que dans la réponse à un "pourquoi ?". Petite remarque stylistique (déformation professionnelle ?) : l'usage qui est fait des temps dans les anticipations et surtout dans les retours en arrière est pour le moins original - et réussi, à vrai dire. Le "présent à valeur de passé antérieur" par exemple, une nouveauté XXIe siècle ? En tout cas, ce court bouquin fut lu d'une traite. On verra s'il laisse grande impression au fil des années : quand bien même ce ne serait pas le cas, la lecture en fut plaisante.

    Quant au récit de Loti, c'est une véritable découverte pour moi : ce petit bouquin réunit tout ce que j'aime : un "terroir" et un univers (la Bretagne du XIXe siècle, ses familles de marins écartelées et disséminées aux quatre vents), beaucoup d'humanité et de tendresse dans le récit, et des sentiments complexes que l'auteur, comme ses personnages d'ailleurs, laisse poindre sous un dais de délicatesse et d'humilité plus qu'il ne les expose ou ne les impose. Certains personnages secondaires sont très beaux aussi, même s'ils ne sont qu'ébauchés. La langue de Loti, elle, est riche sans être pédante, fluide sans être banale, sincère sans être naïve. Mais à quoi bon en parler davantage : lisez Mon Frère Yves, vous y retrouverez, je pense, certains de vos doutes, de vos espoirs, une idée de la grandeur de l'homme en prise avec ses failles, de la fragilité d'un destin, de la puissance des liens, parfois étranges, inattendus, qui unissent les êtres. J'ignore si la collègue qui, la première, a évoqué devant moi le hasard des prénoms des deux "frères" du livre (Pierre et Yves) avait lu le bouquin ; en tout cas, il y a matière effectivement pour moi à trouver des résonances dans ces "antagonismes complémentaires" qui ne s'équilibrent que tant qu'ils se font face, mais j'imagine que c'est chose commune... même pour ceux qui n'ont qu'un prénom simple.

    Quoi qu'il en soit, je ne vous retarde pas dans vos lectures plus littéraires que ce blog : j'ai laissé en plan cet après-midi une certaine princesse de Clèves, qui doit s'impatienter. Ce serait dommage, que, de dépit, elle me préfère ce bellâtre de duc de Nemours !

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  • Commentaires

    1
    Claude
    Dimanche 12 Janvier 2020 à 08:02

    Tes lectures me font plus envie que Pattaya !! Je vais voir si je trouve ce Loti que je ne connais pas.

    Bises

      • Dimanche 12 Janvier 2020 à 08:39
        Il est dans le domaine public, tu n'auras pas de mal à le trouver. Regarde sur wikisource ou sur atramenta (c'est sur ce dernier que je l'ai pris, mais il faut s'enregistrer - gratuitement, certes).
        Je pense qu'il ne te laissera pas indifférent, à plus d'un titre, mais je peux me tromper ! Tu me diras.
        Bises
    2
    Claude
    Dimanche 12 Janvier 2020 à 11:02
    Merci. Je te dirai.
    3
    Sabine c
    Dimanche 12 Janvier 2020 à 14:54
    Moi aussi, tes écrits me donne envie de lire le Loti..inconnu jusqu'ici pour moi.
    Bise de Sabine c.
    4
    Sabine c
    Dimanche 12 Janvier 2020 à 14:56
    Oh!!! La jolie faute!
      • Dimanche 12 Janvier 2020 à 16:32

        Ses ou qui a une faute, je l'a voie pas ?!

        Si tu y tiens, je peux supprimer tes messages... Mais ce ne serait pas aussi drôle. ;-) 

        Bises.

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