• Voyageur plus que vacancier

     

    Un commentaire sur l’article Auberges  a soulevé la question de ce que je laisse ou non paraître de « tranches de vie pas si faciles parfois » à travers ce que je décide de partager avec vous, et à travers le ton, parfois léger, humoristique, que j’emploie pour ce faire. J’ai pensé que ma réponse à ce commentaire éclairerait peut-être le plus grand nombre sur mon état d’esprit, et sur cette dichotomie frappante entre le plaisir que je prends à voyager, à vous en faire la narration, et le mal-être intermittent qui se devine malgré moi ou volontairement, comme dans l’article Premier gros coup de mou.

     

     

    Il y a de tout dans le voyage : des moments de grâce où j'arrive à m'émerveiller d'un monument, d'un sourire, d'une brise aux plus justes température et puissance ; des moments d'oubli où je suis dans l'action nécessaire ou automatique ; des moments d'incompréhension, d'agacement, de frustration, de rejet ; des moments de repos, d'absence ; et bien sûr des "tranches de vie pas si faciles parfois". Mais alors le voyage n'en est-il que le révélateur, car les angoisses qui m'étreignent ne lui appartiennent pas. Je pense pouvoir affirmer qu'aucune difficulté majeure ne me vient de l'Inde et des petits tracas dont je fais inévitablement l'expérience ici.

     

    Voyageur plus que vacancier

    C’est là sans doute que se niche la différence principale entre le « voyageur » et le « vacancier ». Si ce dernier cherche à casser une routine, à s’offrir un repos de l’esprit et un plaisir des sens qui lui permettront de revenir plus sereinement au même quotidien et de s’en accommoder mieux, le voyageur, lui, n’a plus pour quotidien que l'adaptation à un environnement changeant. Est-ce d’ailleurs un quotidien ? Peut-être des routines se recréent-elles avec l’usage, je n’ai pas le recul nécessaire pour l’affirmer. La vie d’avant, ou plutôt ses modalités, ses supposées forces et faiblesses, agréées, entérinées et pour tout dire sédimentées au fil des ans, volent en éclat dès le premier pas qui vous extirpe de leur limon. Et cela vient tôt, quelque part entre l’instant où est arrêté le projet et celui où il commence à se concrétiser. D’où, sans doute, les hésitations et les vagues à l’âme qui s’emparent, avant même le départ, du voyageur – j’en parle selon l’expérience personnelle que j’en ai pu faire, mais fort aussi du récit que m’ont fait une poignée d’autres.

    Voyageur plus que vacancier

     

    Après l’avoir quittée, le voyageur gagne sur sa vie tout juste passée une hauteur qui, par tant d’aspects, est comparable à celle que le marcheur gagne lorsque ses pas l’ont mené à quelque point de mire haut placé, depuis lequel il aperçoit les terres familières d’où il est parti le matin. Chaque détail apparaît flouté ; d’une chaleureuse familiarité mais auréolé d’un éclairage nouveau, d’une perspective qui, parce qu’elle est plus large, lui adjoint des ramifications, des causes et des conséquences - des contextes, pour tout dire. Chacun a pu observer que les lois qui régissent un ensemble, si elles font système, ne supportent que rarement l’examen d’un changement d’échelle. Il en est ainsi du quotidien et des choix – pratiques, moraux – qui le sous-tendent et le justifient à nos yeux. Aussi ces choix, dès que le voyage les expose plus crument et plus largement cartographiés à notre vue, se nimbent-ils d’un cruel sentiment d’ineptie. Dès lors, comment souhaiter retrouver un jour ce même quotidien ? Mais plus avant, par quels meilleurs traits en dessiner un nouveau ?

    Voilà en somme la cause réelle des pensées qui m’agitent régulièrement depuis le début du voyage. Des pensées bien étrangères aux territoires que je traverse, vous en conviendrez : ce n’est le promontoire où il s’est hissé que le marcheur observe pour trouver comment mieux aménager ses terres. Et pourtant, il est bien là, l’espoir de trouver sur les sentes parcourues des pistes de réflexion, des bribes de réponse ; à commencer par ce que le voyage, le nomadisme, rappellent de plus évident : les craintes se nourrissent du futur et du passé plus que de l’instant présent. Mais entre l’intelligence de cette idée et son acceptation profonde, en pensées et en actes, c’est un univers entier qui paraît s’étendre.

    Voyageur plus que vacancier

    Je ne pense pas faire de visites particulières aujourd'hui ou demain, mais rassurez-vous, nous reviendrons sans doute à des articles plus légers et "touristiques" très prochainement, avec photos et commentaires !

    « AubergesMiniatures »

  • Commentaires

    1
    Guillaume
    Samedi 2 Novembre 2019 à 11:22

    Salut frangin,

    J'ai du lire 2-3 fois mais ça y est j'ai compris ton post ! :)

    Ouaip, le mouvement, c'est l'instant présent, c'est la vie. C'est ce qui est bien dans le voyage, débrancher un peu le cerveau, pouvoir fonctionner plus à l'envie, à l'instinct, moins planifier et profiter de la liberté qu'on s'est octroyée en partant.

    Comme le dit de façon plus triviale - par souci de compréhension par un large public - le philosophe ;-) Akhenaton dans son essai musical "Bad boys de Marseille" : On ne vit qu'une fois (fois) faut prendre du bon temps / Oui, autant (autant) profiter des instants les plus plaisants.

    Alors j'espère que tu profites de l'expérience et du dépaysement ! ...et des rencontres avec les indiens, même si j'ai le sentiment en lisant ton blog que l'Inde est à la fois grouillante de monde (comme aucun autre pays si on en croit sa population) mais paradoxalement pas forcément très propice aux rencontres plus "approfondies". Trop d'humains nuit-il aux relations humaines ? ... Vous me ferez une dissertation, z'avez 2 heures !

    Bonne continuation, des grosses bises de tous les humains de StHil !!!

    2
    mijo
    Lundi 4 Novembre 2019 à 20:48

    Enfin rentrée à Dijon et retrouve mon ordi!! Celui de Sarre était squatté pour son travail.

    et ce pendant ces derniers 15 jours.En plus je n'arrivait pas à remonter aux textes

    que je n'avais pas lu ! On vient de me montrer comment faire ! Là,je viens de lire  15jours de

    textes d'un coup !  Passionnant ! mais il est  9h du soir .Tu ne m'en voudra pas  de te faire des

    commentaires que demain . Ce qui m'a le plus fascinée c'est ce puits à gradins !!Et merci pour la chouette.

    J'en parlerai à celle de Notre Dame !

    Mille bises agrémentées de pensées les plus affectueuses

     

     

     

     

     

     

     

     

     

      • Mardi 5 Novembre 2019 à 03:03

        Coucou Mijo, content de te revoir sur le blog. J'espère que ce n'était pas trop indigeste, ces quinze jours d'articles d'un coup... Courage si tu as l'intention de regarder aussi toutes les galeries photo en une fois ! ;-) Bises

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