Tout est dans le titre, non ? C'était Noël, j'étais à Mandalay... Allez, à bientôt ! Non, en fait, cela me donne l'occasion de me pencher un tout petit peu sur les religions au Myanmar.

Ce n'est pas mon premier Noël loin de la famille : déjà à Londres, en 2001... Mais c'est le premier passé dans un pays qui, majoritairement, ne le célèbre pas, bien que le 25 soit férié. Le nom local de Noël ? Rien de plus simple, vous allez voir : Kha-Rit-Sa-Mut-Naih. Easy peasy lemon squeezy, voire fingers in the nose, comme on dit en anglais !

Il faut dire que la population du Myanmar est bouddhiste à près de 90 % selon les recensements officiels ! Les diverses branches du christianisme représenteraient plus ou moins 6 %, et l'islam environ 4 %. J'ai été surpris de constater que l'hindouisme ne représentait que 0,5 % des fidèles, le pays étant pourtant frontalier de l'Inde (si, si, je vous laisse vérifier sur la carte ci-dessous, même si c'est moins clair aujourdhui qu'en 1947, lorsque le Bangladesh, comme le Pakistan à l'ouest, faisait partie du pays de Gandhi.)

En fait, je crois comprendre que ces chiffres, en plus d'être sujets à toutes les cautions habituelles, méritent une interprétation particulière. D'après mes brèves recherches, le Myanmar a bien été pénétré par l'hindouisme dans des temps très anciens, concomitants avec l'arrivée du bouddhisme. Les deux noms du pays (Birmanie et Myanmar) seraient même des déformations du nom du dieu hindou Brahma. Par ailleurs, les colons britanniques firent venir nombre d'Indiens, majoritairement hindous, pour les faire travailler dans les mines et les plantations birmanes. Jusque-là, on ne peut que s'étonner un peu plus de ce 0,5 %... Mais voici au moins deux éclairages à apporter :

• le premier a trait aux errements politiques postcoloniaux ; l'indépendance est acquise en janvier 1948, puis Bo Ne Win renverse ses anciens alliés par un coup d'état en 1962. C'est le début de la dictature en Birmanie (qui durera officiellement jusqu'en 2011). Ne Win instaure alors la politique de "la voie birmane vers le socialisme", qui se revendique ouvertement du bouddhisme mais applique selon les domaines des décisions parfois nettement marxistes (nationalisation des centres de santé, gratuité des soins, interdiction du système des fermages, facilitation de l'accès à la scolarisation pour tous, etc.), parfois nettement nationalistes et protectionnistes, avec notamment l'expulsion de nombreux ressortissants/descendants d'immigrés, dont environ 300.000 Indiens. L'hindouisme en a donc sans doute pris un coup... même si, vu la population du pays (55 millions d'habitants actuellement), c'est probablement plus le musellement des hindous restants que l'exil de 300.000 personnes qui peut expliquer le faible nombre d'hindous autodéclarés.
• le second élément que je convoquerai pour expliquer cette situation est un peu l'inverse du précédent, en ce qu'il relève d'un phénomène d'absorption plutôt que de rejet. Les bouddhistes du Myanmar suivent principalement la doctrine appelée Theravada. Celle-ci fut introduite via le Sri Lanka qui, lui-même, la tenait de l'Inde à une époque où celle-ci était à la fois très bouddhiste et très hindouiste. Les bouddhistes theravada ont donc des pratiques qui incluent certains rituels et divinités de l'hindouisme (vénération de Vishnu, des nat, etc.). Il me paraît donc légitime de penser que seuls les hindous complètement étrangers au bouddhisme - et potentiellement militants ? - ont un intérêt, une raison pour ne pas se déclarer bouddhistes.

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On s'éloigne de Noël, me direz-vous, et on ne s'est même pas approché de Mandalay. C'est vrai... Alors voilà : j'ai profité du 24 décembre pour visiter la cathédrale catholique du Sacré-Coeur, dans la cour de laquelle j'ai été accueilli par de la pop music que des baffles de concert hurlaient à gorge fendre (on a le droit d'inventer des expressions, non ?). Pensée spéciale à ce stade pour Eudes et Peggy, en raison de l'inoubliable "Il me dit que je suis belle" qui jadis emplit la cathédrale Sainte-Marie d'Auch lors de notre passage ! La comparaison s'arrête là, d'ailleurs, car le monument birman (fin XIXe siècle) n'a ni la taille, ni le charme de son aîné français, soit dit sans chauvinisme aucun. L'extérieur est toutefois simple et élancé, mais l'intérieur fait vraiment cheap - pour les non-anglophones, comprenez "de mauvaise qualité", "bâclé" - avec son carrelage blanc de salle de bains et ses ampoules colorées dont même Valérie Damidot se serait passée :

Je taquine un peu les choix d'ornement (on est quand même loin des stalles en bois ciselé de Sainte-Marie, même si la sculpture ci-dessus a une certaine finesse), mais je dois reconnaître qu'un vrai effort de décoration avait été consenti, avec au moins deux crèches en bois dehors, et une troisième, plus modeste, à l'intérieur :

Vous trouverez quelques autres photos du lieu dans la galerie dédiée à Mandalay (dont un confessional offrant une intimité rare !) A quelques pas de cette église, un temple hindou en construction (ou en très grosse rénovation, je ne sais pas) :

Enfin, deux minutes de marche plus loin, Central Masjid, une mosquée cernée de boutiques, trahie seulement par une petite entrée verte ainsi que par ses minarets et la boule lumineuse que voici :

Comme vous le voyez sur ce dernier cliché, la nuit tombait sur cette veille de Noël. Je suis donc rentré à l'auberge, où j'ai pu partager gâteaux birmans, clémentines et whisky-Coca avec de sympathiques voyageurs, histoire de se donner l'illusion d'un jour particulier. Mes cadeaux ? Un passage chez le coiffeur, un massage thaïlandais, un transfert en bateau vers Bagan le 25 décembre, et bien sûr vos messages et coups de fil !