Apparemment, les auberges (dites de jeunesse) sont une nouveauté en Inde. Jusque-là, il fallait principalement réserver dans des hôtels ou des guest houses. Petit retour d'expérience et réflexions à temps perdu... 

Depuis le début de mon séjour, j'ai dormi dans des dorms (raccourci de dormitories, ni plus ni moins que des dortoirs "cages à poules"), des hostels (auberges de jeunesse) et des hotels (euh... dois-je vraiment traduire ?). Les prix ont varié de 2,50 € à 25 € la nuit… Une différence du simple au décuple qui n'est pas toujours justifiée.  

Comme les auberges sont en plein essor dans le pays, beaucoup sont ouvertes au public sans être complètement terminées, d'après les informations que je recueille auprès des autres voyageurs et d'après ce que j'ai pu voir aussi, bien sûr. En plus des auberges indépendantes, des chaînes se mettent en place (Zostel, Moustache…), avec un cahier des charges clairement calqué sur le monde occidental, que cela concerne les services annexes proposés (aide à la réservation d'excursions, blanchisserie, soirées à thèmes par exemple) ou les aménagements intérieurs (grande salle commune en plus des dortoirs, TV, etc.). On y perd sans doute en "couleur locale", mais on y gagne indéniablement en confort. 

L'auberge dans laquelle je séjourne à Udaipur semble assez représentative de ces nouveaux hostels indépendants qui ouvrent à tour de bras dans tout le pays : un lieu spacieux qui se veut convivial mais qui n'a pas le sens des priorités, à mon avis. Imaginez plutôt : un ancien châtelet sur les hauteurs de la ville avec une vue à 360° depuis le toit-terrasse, une salle commune avec batterie, guitares électriques, clavier numérique et ordi pour la musique, une autre salle avec un baby-foot, un jeu d'échecs, un jardin… Pas mal comme début, non ? Mais à côté de cela, les draps et couvertures n'ont pas été changés depuis sans doute des semaines (je bénis mon drap de soie). La moquette est couverte d'une telle couche de débris divers et variés qu'il s'en échappe de petits crissements quand vous marchez dessus, et une odeur indescriptible. Les quatre toilettes et trois douches, pour une cinquantaine de visiteurs, sont une insulte à l'hygiène la plus élémentaire. Le jardin est en friche, inutilisable à part pour étendre le linge. Le bâtiment lui-même tombe en ruine, peintures et murs. Le nombreux personnel, très gentil et serviable par ailleurs, ne semble jamais s'activer sur les tâches premières de l'établissement. Mais bon, l'indolence indienne vaut bien au moins celle que l'on attribue, à tort ou à raison, à nos compatriotes antillais ! Pour leur défense, je me demande ce que chacun peut toucher comme salaire vu le prix de la nuit (220 INR, ce qui correspond au prix d'un petit repas) et vu les horaires qu'ils se tapent tous : plusieurs dorment sur le canapé de la salle commune, on voit les mêmes têtes matin, midi et soir…

Je gagerais que ces différents lieux vont tout de même trouver assez facilement leur clientèle : l'Inde est l'une des destinations de choix des frugaux et des fauchés. Les auberges indépendantes auront-elles cependant la volonté d'investir sur du long terme plutôt que de courir après un profit immédiat, c'est ce dont je doute. Par ailleurs, je vois mal comment la pression immobilière pourrait décroître quand on sait que la population nationale dépasse 1.330.000.000 d'habitants et que le taux de fécondité s'élève à 2,3 enfants par femme. Or, si les loyers/impôts fonciers augmentent, le prix des nuitées, lui, risque de ne pas suivre la même inflation, sous peine de ne plus être compétitif par rapport aux hôtels bas de gamme. Pour continuer à produire un bénéfice, ces auberges-ci, qui ne peuvent faire d'économies d'échelles contrairement aux franchisées, ne seront-elles pas tentées de diminuer encore la paie et la qualité du travail de ses employés ? Voilà pour mes considérations économiques du jour… Quand l'un(e) d'entre vous viendra ici dans 5, 10, 15 ans, nous en saurons peut-être davantage !